C'était un matin de février. Il faisait doux. Il faisait frais. Il était sept heures du matin, et le parc était presque vide. Néanmoins, quelques rares silhouettes se détachaient sur le fond brumeux de cette nature artificielle. Quelques rares passants qui déambulaient au lieu de cette verdure reconstituée.
Un dealer impatient attendait, faisant les cent pas, que son patient en retard arrive. Un dealer n'aime pas attendre. Plus il patiente, plus il prend le risque de se faire choper avec sa marchandise. Et ça, pour un dealer, c'est mauvais, très mauvais, ça discrédite.
On voyait aussi un homme d'affaires, attaché-case et gobelet starbucks en main. Marchant tranquillement, laissant aller son pas à une petite ballade avant de se rendre dans son univers de bureau stressant et speed.
Une enfant et son père tirait de toutes ses forces sur la main de son père qui portait son sac à dos. Elle désignait de son autre main les quelques canards qui pataugeaient paisiblement sur l'étang. Sans doute souhaitait-elle les approcher de plus près, et leur faire profiter de son sandwich au Nutella avant d'aller à l'école.
Un peu plus loin, assise sur un banc, les jambes repliées sous elle, une jeune fille blonde aux allures de camée vêtue de noir, pâle, les yeux intensément soulignés de noir, et une cigarette entre les lèvres, avait le regard perdu dans le vide. Elle avait l'air pensive...

J'avais quitté le Jacks à six heures et demi ce matin, après le ménage et une douche qui s'imposait après une nuit de folie déchainée. Lorsque j'avais saisi mon sac et avais commencé de rentrer chez les Rebelles, je m'étais arrêtée sur le chemin, et avais décidé de ne pas rentrer. Je n'avais pas voulu faire comme d'habitude. Je n'aimais pas les habitudes, et en rentrant machinalement, je m'étais rendue compte que je m'enfermais dans une sorte de cercle routinier. Ces derniers temps, je passais de ma chambre au Jacks, et rentrais. Enfin... dernièrement, tout est relatif. Ces deux dernières semaines diront nous. Mais tout de même ! J'étais une jeune fille libre de faire ce qu'elle voulait ! Avant de rejoindre les rebelles, je ne dormais jamais deux nuits au même endroit, et passai mes nuits à courir les boîtes et les bars, avec différentes personnes. Jamais deux fois la même chose. Je ne supportais pas de me sentir en cage comme je l'avais ressenti ce matin.
Lasse de penser à ce genre de chose, je me roulai un join de pure beu, et l'allumai tranquillement. Dans les endroits fréquenté par un grand nombre de personnes, et où les flics passaient régulièrement, je ne prisai jamais de drogue plus forte. A vrai dire, je ne me baladais jamais avec des drogues dites 'dures'. J'en avais dans ma chambre, et au Jacks. Point. Ailleurs, je fumais. Que ce soit des cigarettes, ou d'autres choses.
Je calai mon join entre mes lèvres, et sorti un bloc et quelques crayons, de mon sac bandoulière noir. Machinalement, je commençai de tracer des lignes, des courbes, des points, et peu à peu, les silhouettes prirent forme sur ma feuille, et on pu petit à petit reconnaître les différents habitants éphémères du parc, bien que mon style graphique soit très sombre et saturé de plomb. Et le temps passa.

Il devait être près de onze heures lorsque je levai enfin les yeux de mes feuilles noircies à la mine de plomb. Une dizaine, environ. A cette heure-ci, Central Park avait totalement changé. Il était plus vivant, plus habité. Une activité plus intense s'était propagée dans ce seul espace de verdure et de nature que possédait New-York.
Mes jambes s'étaient un peu engourdies, repliées sous moi. Je bougeai pour m'étirer un peu et faire quelques pas, mais je n'avais pas posé les deux pieds par terre, que je fis tomber ma boîte à crayon d'un geste maladroit.

JACKS - “ Oh Merde ! Putain ! J'suis pas douée ! ”

Je me baissai pour ramasser ce que je venais de faire tomber, et je vis qu'une deuxième paire de mains s'affairait à côté des miennes. Lorsque l'inconnu et moi eûmes ramassé toutes mes mines, et que j'eus achevé de les mettre dans leur boîte, je me relevai.

JACKS - “ Mer........... ci. ”

Mes yeux venaient de se poser sur le visage de la personne, et j'avais eu un temps d'arrêt. Une jeune fille blonde.
Ce visage je l'avais déjà vu. Une fois. Mais je m'en souvenais comme si c'était la veille.

- FLASHBACK -

Ma mère était morte. Je tentais d'approcher mon père pour lui faire assumer sa paternité, lui faire comprendre qu'il avait bel et bien une fille qu'il ne connaissait pas. Mais je me fis jeter et avant d'être emmenée par des infirmiers, loin de lui à jamais, j'aperçus sur le mur un portrait. Une jeune fille blonde coiffée d'un chapeau de diplômée.

- FLASHBACK.FIN -

Désormais, elle se tenait en face de moi. Et lorsque je me rendis compte que je la dévisageais bouche bée, et les yeux ronds, je fermais la première et secouai la tête, comme pour me remettre les idées en place. Et articulai :

JACKS - “ Bonjour. Moi c'est Jacks. ”

Et je suis ta soeur... Mauvaise approche. On va garder ça pour plus tard peut-être.